Economie et Front National : des mauvaises questions et des mauvaises réponses

, par Solidaires 49

Fiche FN et économie

Depuis la reprise en main du FN par Marine Le Pen (MLP), le discours libéral-nationaliste, dans la droite ligne de la pensée reaganienne et thatchérienne des années 80, s’est accentué. Sous l’influence de personnalités telle que Florian Philippot, venant de la mouvance souverainiste, le FN produit un discours en trompe l’œil qui vise à ratisser large en utilisant une rhétorique de gauche, sous tendue par un nationalisme exacerbé. En réalité, ce parti fustige de manière formelle les excès du libéralisme mais sans remettre jamais en cause les fondements du système capitaliste. Il prône un bon vieux capitalisme français exploitant une main d’œuvre française.

Si la thématique raciste, relookée par une stigmatisation des musulmans, reste centrale, le FN est à l’offensive pour gagner toujours plus d’audience dans la classe ouvrière mais aussi chez les fonctionnaires, en faisant mine de défendre le service public, et surtout en voulant détruire tout ce qui favorise l’organisation collective autonome des travailleurs-euses via notamment les syndicats.
Le Front National est économiquement et socialement l’ennemi des travailleurs-euses.
Front National et Dette publique

Comme tous les libéraux, le Front National a fait de la dette l’ennemi public numéro 1, la cause de tous les malheurs de l’économie française. Loin de penser qu’il y a une bonne dette, c’est bien le thème d’une dette plombant l’économie française qui est constant dans la thématique du Front National.

Le plan de désendettement que MLP présentait lors des élections présidentielles de 2012, se contentait pourtant d’aligner les chiffres sans préciser clairement les méthodes pour arriver à ce qu’elle projetait. Pourtant en creux, il se dégageait comme pour l’UMP et le PS la même idée, la mise en place d’un plan de rigueur.

La résorption de la dette doit, pour le FN, rentrer à marche forcée dans le schéma idéologique développé depuis des années par le FN : la sortie de l’euro1 et la lutte contre l’immigration. Le total des économies envisagées atteindrait alors 70 milliards d’euros.
La lutte contre l’immigration au centre des théories économiques du FN

Sur les 70 milliards d’économies envisagées, 40 milliards seraient effectués grâce à la lutte contre l’immigration et les dépenses qui y sont liées. Cette partie de son programme s’appuie sur les travaux d’un « économiste », Yves-Marie Laulan qui fait les beaux jours de Radio Courtoisie. L’immigration y est vue sous le prisme des « charges » qui pèsent sur l’État français. Pour notre économiste de supermarché discount, la vision est donc simple : éliminer toute réflexion qui pourrait donner un côté positif de l’immigration sur l’économie française.
Pire, il s’agit aussi de faire des immigré-es les responsables de la stagnation des salaires dans le pays. Ainsi MLP affirmait que l’immigration est « voulue et sans cesse réclamée par le Medef, la Commission européenne et les grands groupes du CAC 40, l’immigration est une arme au service du grand capital ». Bref l’immigration fait subir une concurrence déloyale dans notre propre pays. Comme toujours le FN détourne la colère des salarié-es des vraies cibles que sont les exploiteurs patronaux. Ce sont ces derniers qui fixent les salaires et pas les immigré-es.
De plus, c’est un raisonnement en dehors des réalités pour plusieurs raisons. Premièrement, au vu de la précarité dans les secteurs concernés (restauration, BTP, service à la personne comme les ménages ou aide à domicile) et des salarié-es employé-es, principalement issu-es de l’immigration, la concurrence se ferait plutôt entre les ancien-nes immigré-es et les nouveaux arrivant-es. Loin de faire pression sur le salariat français en général c’est bien sur les immigré-es (qu’ils possèdent des papiers ou non) que pèse la loi de la concurrence.

Deuxièmement, MLP ne pointe que les grandes entreprises et le MEDEF sur l’utilisation de la main d’œuvre immigrée. C’est une aberration et ce n’est pas un hasard. La plupart des entreprises concernées par cette soi-disant concurrence sont des petites structures, ces TPE et artisans dont le Front National, qui, les premiers, ont recours au travail au noir ou dissimulé.

Dans le logiciel raciste du Front National, il s’agit de faire entrer dans le crâne de la population l’équation « ravage » de l’immigration égal insécurité, et de justifier le tout sécuritaire et répressif pour diminuer la dette !
Les patrons, les plus riches et la fiscalité

Le FN voudrait nous faire croire à la disparition de toute trace libérale ou capitaliste qui imprégnait le programme du FN depuis sa création. Le remplacement de Jean Marie par Marine aurait fait apparaître un axe pro-salarié et anti-patronat.

Or, le poujadisme n’a jamais quitté le logiciel FN qui se constitue en défense des petits patrons, un thème déjà présent il y a plusieurs dizaines d’années. C’est aussi pour cela que le FN est pour les dérogations aux 35 heures (même si cela devrait se faire avec une soi-disant augmentation des salaires mais sans contraintes) et le rétablissement de l’apprentissage à 14 ans.

Mais allons plus loin. Le FN est en apparence vent debout contre la finance et les grandes entreprises. Pourtant la rhétorique même du Front National montre que le problème n’est pas tant la finance que son origine : l’utilisation du terme de « finance apatride » ou de « capitalisme financier mondialisée » est là pour le prouver. Ce qui gène le Front National ce n’est pas tant la finance mais cette mondialisation de la finance.

Pour appuyer ce programme soit disant économique en faveur des salarié-es, le Front National développe des mesures sur les suppressions de cotisations sociales, de suppressions d’impôts dans un cadre global de préférence nationale, de fermeture des frontières. Une cohérence idéologique mais pas de cohérence politico-économique.

L’impôt constitue alors une cible privilégiée pour le Front National qui vise notamment les impôts qui « étouffent la libre entreprise et les TPE/PME ». Dans la même ligne le Front National compte supprimer l’impôt sur les Grandes Fortune (ISF) pour restaurer une justice fiscale.

C’est sur cette thématique fiscale, et plus globalement, sur l’intervention de la puissance publique dans l’économie, que le positionnement économique de droite du FN demeure le plus explicite : la thématique de la lourdeur de l’État et de la pesanteur de l’impôt et des « charges » est une valeur sûre du FN : pour Marion Maréchal-Le Pen, « la politique doit être la moins contraignante possible pour être efficace », le candidat des Pays de la Loire dénonce « la spoliation fiscale des entrepreneurs » et appelle à « libérer l’économie de ses pesanteurs », ce qui permet à Louis Aliot de préciser que « non, le programme économique du FN n’est pas d’extrême gauche » et que « le marxisme n’a jamais influencé de près ou de loin notre ligne politique » . Le FN, derrière un discours anti-système qui fustige la financiarisation de l’économie, demeure attaché à une économie de marché d’essence libérale, sans régulation publique et où l’outil de redistribution majeur qu’est l’impôt doit être réduit à sa plus simple expression. Le FN ne porte donc aucun projet de réduction des inégalités et d’émancipation des classes populaires.

Il en est de même sur la question des prestations sociales (logement, formation professionnelle). Pour vendre ces propositions le FN essaye un relooking de son vocabulaire : il est passé de la préférence nationale chère à Jean Marie Le Pen à la priorité nationale . C’est une subtilité sémantique qui s’appuie sur les mêmes ressorts qu’auparavant, et vise à instaurer un apartheid à la française.

Quant aux réponses du FN à la crise écologique, elles sont tout bonnement absurdes. Non seulement il persiste le modèle productiviste mais, pour ne pas avoir l’air de ne rien dire sur le sujet, invente la notion d’écologie patriotique ! On avait remarqué que le nuage de Tchernobyl s’était arrêté aux frontières ! Enfin, se borner, comme le fait le FN, à la question de la seule réindustrialisation comme réponse à la crise, est indigente.
Pour le FN, il ne s’agit surtout pas des remettre en cause la logique productiviste et consumériste, ni la propriété privée des grands moyens de production, et ni de défendre la nécessité d’une démocratie sociale qui donne le pouvoir aux salarié-es, aux citoyen-nes de déterminer ces choix de société.
C’est aussi gommer le fait que le développement des entreprises y compris françaises se sont faits sur le dos des pays du Sud en exploitant les ressources locales au profit des économies occidentales.

MLP se présente comme la « candidate anti-système », en défense du peuple, des « laissés-pour-compte » de la crise, mais le projet politique qu’elle incarne est avant tout celui d’un nationalisme exacerbé qui ne remet en cause ni le capitalisme, ni le libéralisme, ni la course au profit, ni la concentration des richesses dans les mains d’une minorité.

Le 7 décembre 2015

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