Le mot du jeudi
19 novembre 2015
Allô Paris
Et si on gagnait la paix ?
Des attentats terribles au nom d’un projet de type fasciste
Dans la nuit du vendredi 13 au samedi 14 novembre, de terribles attentats ont eu lieu dans les Xe et XIe arrondissements de Paris ainsi qu’aux abords du Stade de France à Saint-Denis, faisant plus de 130 morts et plusieurs centaines de blessé-es. Notre émotion est immense. Nous sommes frappé-e-s de tristesse, choqué-e-s, révolté-e-s. Nous exprimons notre plus grande solidarité humaine aux blessé-e-s et aux proches des victimes.
Les attentats meurtriers de janvier 2015 étaient dirigés contre les personnels de Charlie Hebdo parce que ce journal avait publié des caricatures, contre un hypermarché casher pour tuer des juifs, contre des policiers pour tuer des représentant-e-s de l’Etat.
En ce mois de novembre, les terroristes ont commis des massacres dans des lieux de divertissement et de rencontre grand public. Ces tueries ont pour objectif d’instiller la peur, de fragmenter la société en frappant de manière spectaculaire et violente la population civile.
Nous condamnons de toutes nos forces ces attaques, leurs instigateurs et ceux qui revendiquent ces attentats. “DAECH”, “l’Etat islamique”, est une organisation djihadiste salafiste fanatique. Son projet politique, au nom d’un fondamentalisme islamiste, vise à instaurer dans l’ensemble du monde dit “arabo-musulman” un état totalitaire qui s’apparente au fascisme : instauration d’un gouvernement dictatorial régnant par la peur et la contrainte, mise à mort des opposant-e-s et dissident-es, suppression des libertés publiques, antisémitisme. Les populations civiles de ces régions sont victimes de cette politique meurtrière. Nous dénonçons et combattons cette politique et cette idéologie. Tout, dans ce projet et dans cette organisation, est en opposition complète aux valeurs qui animent notre action syndicale : la raison, la solidarité, la justice, la démocratie. Ce sont ces valeurs qui doivent continuer à guider notre action dans ces circonstances si difficiles.
Contre les récupérations et instrumentalisations
Déjà, les attentats sont l’objet de multiples récupérations et instrumentalisations, il faut les refuser et les dénoncer.
Les tentatives pour justifier une politique encore plus répressive contre les migrant-e-s sont indignes et inacceptables. Les amalgames de l’extrême droite doivent être combattus, et nous devons refuser que l’émotion soit utilisée pour développer le racisme. Alors que les attentats visent à diviser la population, les salarié-e-s et la jeunesse doivent refuser ce piège qui fait le jeu des fanatiques et de l’extrême droite.
Dans un contexte où le racisme a déjà le vent en poupe, que les personnes cataloguées « arabes » ou « musulmanes » subissent tout particulièrement, nous devons nous opposer à toute stigmatisation qui pourrait résulter d’une volonté politique d’assimiler à cet acte atroce des personnes sous prétexte de leur culture ou de leur religion, réelles ou supposées, alors que des réactionnaires rendent les musulman-e-s collectivement responsables des tueries. Nous nous proposons de travailler, comme professionnels de l’éducation, en dialoguant avec nos élèves, à déconstruire toutes les idéologies racistes et tous les fanatismes religieux.
Le Président de la République et le gouvernement instrumentalisent encore une fois les attentats pour en appeler à « l’unité nationale ». C’est une impasse pour le mouvement social et démocratique, cela vise à faire taire la conflictualité sociale et à unir la population derrière les dirigeant-e-s qui mènent des politiques extérieures impérialistes et des politiques intérieures antisociales, de stigmatisation raciste et anti-immigré-e-s, de chasse aux sans-papiers et de harcèlement des Roms. Ces politiques portent une lourde responsabilité dans le climat actuel et dans ses effets délétères. Ce n’est pas en le taisant que nous ferons régresser les fanatismes et les fascismes.
Des responsabilités politiques
Sans que cela ne remette en rien en cause notre condamnation des responsables et des commanditaires des attentats, il n’est pas possible de passer sous silence les responsabilités politiques des gouvernements français, européens et américains dans la situation actuelle.
Le djihadisme salafiste est l’enfant des monarchies du golfe, alliées de la France, il se nourrit d’une politique guerrière et impériale qui a toujours apporté son support aux dictatures au lieu de soutenir les oppositions laïques et démocratiques.
C’est en nous unissant avec les mouvements progressistes du monde entier que nous ferons reculer DAESH et ses acolytes. Les Kurdes qui luttent au Rojava ont besoin de notre solidarité.
Le fanatisme se nourrit ici de la politique de l’abandon des banlieues, des services publics, de l’école, de relégation des populations issues de l’immigration et de l’austérité, qui depuis des dizaines d’années engendrent la désespérance sociale et constituent un terreau favorable aux idéologies réactionnaires radicales, nationalistes ou religieuses.
Notre action syndicale doit se poursuivre pour donner des perspectives à tout-e-s les travailleurs/euses, précaires, privé-e-s d’emploi, en formation, pour une alternative sociale égalitaire et démocratique : c’est la meilleure manière de défaire durablement le fanatisme, le fascisme, le racisme.
Non à l’Etat d’urgence, non aux restrictions des libertés publiques !
Suite à ces attentats, le chef de l’État et le gouvernement mettent en œuvre une mobilisation nationale va-t-en-guerre qui se traduit par une intensification des interventions militaires et par l’instauration de l’état d’urgence, une mesure d’exception conférant notamment aux autorités civiles des pouvoirs de police exceptionnels et permettant de restreindre drastiquement les libertés publiques. Cet état d’urgence risque aujourd’hui d’être prorogé pendant trois mois. Le Président de la République entend également modifier la Constitution, la procédure pénale, les règles de la nationalité, etc., dans une logique toujours plus sécuritaire.
Dans l’Éducation nationale, une circulaire ministérielle « annule toute sortie scolaire (cinéma, musée, ...) » et « tout déplacement en transport en commun public » pour la semaine (comme si la question pouvait être réglée la semaine prochaine). SUD éducation dénonce ces mesures anxiogènes pour les enseignant-e-s et plus encore pour les enfants.
Les terroristes s’en sont pris à des personnes dans des lieux de culture parce qu’ils haïssent l’émancipation dont elle est porteuse. Parce qu’écoles, cinémas et musées sont la meilleure réponse au fanatisme, ces lieux d’éducation et de culture doivent rester accessibles.
Déjà des rectorats et autres autorités académiques empêchent des réunions d’instances et des formations syndicales. Nous le dénonçons. Au nom de la nécessité d’être auprès des élèves dans le contexte actuel, l’institution fait pression sur les personnels pour qu’ils renoncent à leurs droits syndicaux et se saisit de ce prétexte pour entraver l’action collective. Les attentats ne doivent pas servir de justification à une restriction des libertés individuelles et collectives. Les droits de réunion et de manifestation doivent être garantis dans l’éducation comme ailleurs. Leurs restrictions seraient la victoire des tueurs.
Face à la haine et à la peur, solidarité et action collective
Partout en France, dans les rassemblements de solidarité en hommage aux victimes, des gens ont exprimé ce week-end leur refus de céder à la peur. Céder serait une fuite en avant qui mettrait à mal les valeurs de notre démocratie et offrirait ainsi aux assassins la victoire dont ils rêvent. C’est pourquoi nous voulons le maintien et la réussite des manifestations prévues :
– le 21 novembre contre les violences faites aux femmes,
– le 22 novembre pour la solidarité avec les migrantes et les migrants,
– le 24 novembre pour la mobilisation des retraité-e-s contre la baisse de
leur niveau de vie,
– le 29 novembre pour la justice sociale et climatique.
SUD éducation continuera à œuvrer pour l’émancipation et la justice sociale, contre une société qui produit de l’exclusion, de la précarité, de la misère et de la violence. Notre place est au côté des forces du mouvement social et des peuples qui luttent pour leur liberté et le progrès social dans le monde.
Notre combat pour la justice sociale est légitime et doit être poursuivi quelles que soient les circonstances. À la haine et à la peur, opposons la solidarité et l’action collective.
Esther BILLAUD, Yoann CARRE, Jérôme HOEVE, Patrice
LAMBERT, Olivier LORREYTE, Gilles SÉBARÉ ; co-
bureaucrates du jeudi